Comprendre l’interaction entre fragilité, conflit, changement climatique et éducation – 1ère partie

Les impacts du changement climatique dans les pays touchés par la fragilité et les conflits sont plus graves. Découvrez les différentes manières dont la fragilité, le changement climatique et l’éducation se croisent.

09 juillet 2024 par Anna-Maria Tammi, GPE Secretariat, et Spandana Battula, IFC
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Lecture : 4 minutes
Un garçon passant devant une école endommagée dans le district de Baghlan-e-Jadid, dans la province de Baghlan dans le nord de l'Afghanistan, affecté par des crues soudaines. Crédit : UNICEF/UNI577682/Khayyam
Un garçon passant devant une école endommagée dans le district de Baghlan-e-Jadid, dans la province de Baghlan dans le nord de l'Afghanistan, affecté par des crues soudaines.
Credit: UNICEF/UNI577682/Khayyam

Près de la moitié des pays partenaires du GPE sont touchés par la fragilité et les conflits et tous sont de plus en plus affectés par le changement climatique. Mais que savons-nous de la relation entre la fragilité, le conflit et le changement climatique ?

Nous avons mené une analyse pour comprendre l’impact de ces dynamiques sur la planification et la mise en œuvre de l’éducation dans les décennies à venir.

Ce premier article se penche sur les effets du changement climatique sur la fragilité et les conflits ainsi que leurs conséquences sur l’efficacité des actions visant à lutter contre le changement climatique dans les situations de fragilité et de conflit. Le second article examine les conséquences de cette relation à multiples facettes sur la planification et les programmes d’éducation.

Le changement climatique exacerbe la fragilité

Bien que les catastrophes induites par le changement climatique touchent tous les pays, les pays à faible revenu ou ceux touchés par la fragilité et les conflits sont plus gravement affectés.

Les enfants vivant dans des pays en situation de conflit sont particulièrement vulnérables au changement climatique, à la fois en raison des conséquences plus graves du changement climatique dans ces pays, mais aussi en raison de la capacité limitée des gouvernements à agir pour atténuer les risques.

Ces pays sont globalement plus vulnérables aux conséquences du changement climatique en raison de problèmes structuraux tels que des institutions affaiblies, le manque de ressources, des vastes secteurs informels et des problèmes de gouvernance.

Entre 2004 et 2014, 58% des décès liés aux catastrophes ont eu lieu dans des pays qui figurent parmi les 30 pays les plus touchés par la fragilité et les conflits. Ces pays subissent également de manière disproportionnée les conséquences macroéconomiques des catastrophes liées au climat : le Fond monétaire international estime que trois ans après un événement météorologique extrême, les pertes cumulées du PIB seront de 4% dans les pays fragiles ou touchés par les conflits contre 1 % dans d’autres pays.

Pour les pays touchés par la fragilité et les conflits, le changement climatique est perçu comme un « multiplicateur de menaces » car il exacerbe les crises humanitaires.

L’expérience de la Somalie face à la sécheresse illustre la manière dont les défis climatiques se conjuguent à la dynamique de conflit. La sécheresse a aggravé la crise humanitaire dans les régions contrôlées par le groupe extrémiste al-Shabab.

Plus précisément, les conflits, combinés à la diminution des précipitations et à l'accès difficile pour l’acheminement de l’aide alimentaire, ont coûté la vie à 43 000 personnes, dont la moitié étaient des enfants de moins de cinq ans. La crise a également perturbé l’apprentissage de 2,4 millions d’enfants d’âge scolaire en raison de la fermeture de 250 écoles à cause de la sécheresse.

Le changement climatique exacerbe le risque de conflit

Le changement climatique n’est pas une cause directe de conflits armés mais il exacerbe les tensions existantes en aggravant les conditions socio-économiques et en compromettant la disponibilité des ressources.

Certaines études ont montré que les changements de températures et du régime pluvial augmentent le risque de conflit, illustré par des éclatements de conflits dans les pays fragmentés ethniquement coïncidant avec les catastrophes climatiques comme les vagues de chaleur et les sécheresses.

L’étude met en lumière deux voies par lesquelles le changement climatique peut augmenter le risque de conflit : l’insécurité alimentaire et les flux migratoires.

Les changements de températures et du régime pluvial contribuent aux pertes agricoles et à l’insécurité alimentaire provoquant, de ce fait, des conflits sur des ressources rares. Entre 1970 et 2012 en Afrique subsaharienne, la baisse des rendements agricoles due à la hausse des températures a entraîné une augmentation du nombre de conflits.

Au cours des dix dernières années, plus de 15 000 personnes ont été tuées lors de conflits entre les agriculteurs et les éleveurs liés à la rareté des terres et des ressources en eau pour les cultiver. Des groupes de militants ont exploité ces différends pour recruter des nouveaux membres (voir UNEP, 2012 et Brock, 2012), comme cela s’est produit dans le centre du Mali où des tensions ont éclaté entre les agriculteurs et les éleveurs bovins.

En outre, les catastrophes provoquées par le climat et les changements climatiques à évolution lente peuvent entraîner des flux migratoires, notamment en raison des pertes économiques et de la baisse des actifs monétaires. Même dans un contexte de changement climatique à évolution lente, la migration est un mécanisme de survie pour beaucoup de personnes et de ménages.

La migration environnementale peut entraîner une surenchère sur les ressources et mettre à rude épreuve les systèmes économiques et sociaux, et les infrastructures, pouvant provoquer des conflits, particulièrement dans les pays dont les institutions sont affaiblies et où des tensions existent déjà. Dans une étude qui a examiné 38 cas de migration environnementale, des conflits ont éclaté dans les pays d’accueil dans plus de la moitié des cas.

Le risque accru de conflit et de déplacement est évidemment très préoccupant pour le secteur de l’éducation et pour les enfants de manière générale. L'exposition aux conflits armés a des conséquences néfastes sur l’éducation des enfants puisque les violences au sein et autour des écoles fait baisser la fréquentation et perturbe l’apprentissage et les progrès scolaires (voir, par exemple, Grogger, 1997 et Wodon et al., 2021).

Les conflits peuvent entraîner des attaques contre les écoles, le recrutement d’enfants dans des groupes armés et des déplacements forcés, sans compter les conséquences directes sur la mortalité, la santé et le bien-être des enfants.

Les conséquences liées à l’insécurité créée par le changement climatique et les conflits peuvent aussi se manifester par une recrudescence de violences sexistes.

Les retombées positives de la réponse aux catastrophes

Bien que les catastrophes climatiques exacerbent souvent les conflits, elles offrent aussi l’occasion de les résoudre et de rétablir la paix. La solidarité qui se développe lors des efforts de réponse aux catastrophes peut ouvrir la voie vers la réconciliation et la coopération entre des factions auparavant opposées.

Des études révèlent que lorsque toutes les parties d’un conflit sont affectées de la même manière par une catastrophe naturelle, les chances d’aboutir à des négociations augmentent considérablement, de la même manière que des catastrophes naturelles peuvent augmenter les chances d’un cessez-le-feu.

Dans certains cas, les catastrophes naturelles ont conduit à des cessez-le-feu et des accords de paix, comme ce fut le cas, par exemple, en Indonésie après avoir été frappée par un tsunami et au Cachemire après un séisme.

Les mesures d’adaptation au changement climatique doivent aussi tenir compte des retombées négatives potentielles sur les conflits, surtout dans les situations où la répartition des ressources est perçue comme inégale.

D’un autre côté, pour qu’elles soient efficaces, les stratégies d’adaptation au changement climatique doivent prendre en compte l’interaction complexe entre le changement climatique et les dynamiques de conflit.

Les interventions de redistribution des ressources ou de relocalisation planifiée doivent être mises en œuvre avec la plus grande précaution afin de ne pas exacerber les tensions existantes.

La seconde partie de ce blog examinera les conséquences de cette relation à multiples facettes sur la planification et les programmes d’éducation.

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