Comment financer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans l'éducation pour transformer les systèmes et ne laisser personne de côté ?

Réflexions et recommandations pour le financement de l’éducation inclusive dans les pays à faible revenu.

23 mai 2024 par Hanna Alasuutari, The World Bank, Pascal Bijleveld, ATscale, Kamal Lamichhane, Institute of Human Sciences at the University of Tsukuba in Japan, Hannah Loryman, Sightsavers, Suezan Lee, Center for Education, et Raphaelle Martinez, GPE Secretariat
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Phalla, enseignante, aide ses élèves à lire en langue braille khmère. Crédit : GPE/Krousar Thmey
Phalla, enseignante, aide ses élèves à lire en langue braille khmère.
Credit: GPE/Krousar Thmey

Selon les estimations, 240 millions d'enfants se trouvent en situation de handicap dans le monde. Ces derniers ont 2,5 fois plus de risques de ne pas avoir accès à l'éducation.

Alors que les pays ont réalisé des progrès pour réduire les écarts de rémunération, les inégalités se creusent pour les personnes en situation de handicap. Afin de transformer véritablement les systèmes éducatifs pour qu’ils intègrent tous les enfants, il est primordial de relever les défis qui se posent en matière de financement.

Malgré les engagements pris au niveau mondial en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap dans l'éducation au moyen de conventions et de traités internationaux sur les droits humains, la planification, les prévisions budgétaires et le financement de l'éducation inclusive constituent encore des défis de taille.

Organisé en coopération avec Special Olympics et le GPE, le Symposium de 2024 sur la transformation des systèmes éducatifs pour et par l’éducation inclusive de la Brookings Institution a réuni des décideurs politiques, des chercheurs, des professionnels de l’éducation et des élèves en situation de handicap pour répondre à la question suivante : « Quelles mesures devraient être prises pour transformer les systèmes éducatifs afin qu'ils intègrent véritablement les élèves en situation de handicap ? »

Dans le cadre du symposium, le GPE a organisé un atelier sur le financement de l'éducation inclusive afin d'examiner les enjeux et les solutions pour les pays à faible revenu. Nous partageons ici nos réflexions et nos recommandations pour faire en sorte que le financement de l'éducation inclusive devienne une réalité avec les membres du panel de cet atelier.

Investir dans l'éducation inclusive est rentable et abordable

De nombreux pays ont encore l'impression que l'éducation inclusive n’est pas abordable, alors qu'en réalité les coûts sont raisonnables et qu'une grande partie des dépenses profite à tous les élèves.

La formation des enseignants à l'éducation inclusive et le développement du leadership apportent au personnel des écoles des valeurs, des connaissances et des approches pédagogiques qui l'aident à mieux s'impliquer auprès de chaque élève et à soutenir plus efficacement leur apprentissage.

Il existe des preuves cohérentes et irréfutables que les bénéfices de l'éducation sont importants, aussi bien au niveau des individus (puisque l’éducation permet d’accroître le taux d'emploi, la stabilité et les revenus) qu’au niveau des sociétés, comme le montrent des recherches qui ont été menées au Népal et aux Philippines.

La mise à disposition de technologies d'assistance pour répondre aux besoins d'apprentissage des enfants en situation de handicap permet d’augmenter leurs revenus futurs perçus sur l’ensemble de leur carrière de plus de 100 000 dollars dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire.

Lorsque les enfants acquièrent une plus grande indépendance et peuvent être scolarisés, les personnes qui s'occupent d'eux et les familles ont également plus de temps pour travailler et gagner un revenu. Chaque dollar investi dans des technologies d'assistance peut rapporter 9 dollars, en partie grâce à ces effets d'entraînement.

Le coût de l'exclusion est considérable, avec une perte de PIB allant de 1 % à 7 % si les personnes en situation de handicap sont exclues de l'éducation et du marché du travail.

Le paradoxe de l'engagement des pays et des preuves du rendement des investissements dans l'éducation inclusive, alors que le sous-financement persiste, tient au manque de données sur les enfants en situation de handicap, au manque de preuves sur les modèles efficaces et aux informations limitées sur les données relatives au coût des interventions ciblées.

Ces lacunes entravent la planification, l’estimation des coûts et les prévisions budgétaires des réformes en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap.

Comment établir le budget de l'inclusion ?

De nombreux éléments destinés à renforcer le système éducatif en incluant les personnes en situation de handicap devraient être intégrés dans les budgets de l'éducation. Une conception universelle des bâtiments scolaires, un suivi plus souple des acquis des élèves et des programmes scolaires inclusifs peuvent profiter à tous les élèves.

Les coûts ne deviennent élevés que s'ils sont ajoutés ultérieurement, comme dans le cas des bâtiments scolaires qui doivent être adaptés aux besoins des élèves en situation de handicap après leur construction.

L'un des principaux obstacles pour établir le budget de l'inclusion est d’évaluer ses coûts réels. Les coûts et les facteurs de coût varient d'un pays à l'autre, mais les dépenses de personnel, notamment le renforcement des capacités, sont probablement les plus élevées.

L'examen des coûts marginaux peut nous indiquer le coût du déploiement de l'éducation inclusive. Au Sénégal, le déploiement de l'éducation inclusive pour les enfants malvoyants pourrait ne coûter que 0,2 % du PIB (produit intérieur brut) du pays par an.

Il existe différentes formules de financement pour établir les budgets et leur application doit être basée sur :

  1. L’entrée : les ressources et le matériel alloués aux écoles (financement des enseignants, des infrastructures, des fournitures) ;
  2. Les résultats : les résultats et la réussite des élèves (résultats des tests, pourcentage de diplômés) ; et
  3. Le rendement : les processus et les activités se déroulant au sein du système éducatif (techniques d'enseignement, services de soutien).

Il est essentiel d’avoir recours à la décentralisation budgétaire et d’intégrer les groupes marginalisés dans les discussions sur les coûts et les financements pour rendre le financement de l'éducation équitable et lutter contre la tendance des autorités nationales à accorder la priorité à la majorité des élèves dans les salles de classe.

Les mécanismes de financement doivent être décentralisés, transparents, responsables et autonomes.

Les gouvernements doivent également utiliser un cadre cohérent, tel qu'un plan sectoriel de l'éducation, pour évaluer les progrès réalisés pour établir un modèle d'éducation inclusif, ainsi que des outils pour évaluer le caractère adéquat et l'équité du financement public.

Un appel à l’action

Si le financement externe permet aux gouvernements des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire d’expérimenter des initiatives favorisant l'inclusion des personnes en situation de handicap, un financement national durable est nécessaire pour les déployer.

Il est urgent de plaider en faveur de l'éducation inclusive dans le cadre du dialogue plus large sur le financement de l'éducation, plutôt que de considérer l'équité comme une option.

Étant donné que les ressources financières sont rares et les priorités nombreuses, les gouvernements sont contraints de chercher à réaliser des économies. Les coûts diminuent progressivement à mesure que des économies d’échelle sont réalisées, comme dans le cas de l’acquisition à grande échelle de dispositifs d'assistance.

Les technologies, dont l'intelligence artificielle, peuvent également réduire les coûts futurs.

Afin d'améliorer le coût et le budget de l'éducation inclusive, nous demandons à la communauté éducative de :

  1. Recueillir des données probantes pour comprendre quelles sont les stratégies les plus efficaces pour inclure les personnes en situation de handicap et leurs coûts ;
  2. Renforcer les systèmes de données des pays. Des données normalisées sur les enfants en situation de handicap sont essentielles pour justifier les investissements dans l'éducation inclusive et pour établir correctement le coût et le budget des interventions ;
  3. Communiquer sur le rapport coûts-avantages de l'inclusion des personnes en situation de handicap et de l'éducation inclusive en général pour en faire un investissement prioritaire pour les ministères des Finances ;
  4. Renforcer la collaboration entre les secteurs pour combler les lacunes en matière de données et éliminer les obstacles, notamment en réfléchissant ensemble aux éventuelles répercussions des interventions non seulement sur les écoles, mais aussi sur l'emploi ; et
  5. Remédier au manque de communication entre le ministère des Finances et le ministère de l'Éducation, notamment en donnant au secteur de l'éducation les moyens de communiquer efficacement avec les ministères des Finances et les parlements.

Il est évident que l'éducation inclusive n'est pas seulement une question de droits humains, mais aussi un impératif économique. Le coût de l'exclusion est considérable.

Il est primordial que nous fassions avancer ce programme pour garantir que tous les enfants aient la possibilité d’être scolarisés dans une école où ils sont en sécurité, où ils participent aux leçons et où ils s’instruisent réellement.

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