Le thème de la Journée mondiale des enseignants de cette année, « Valoriser la voix des enseignants », nous rappelle très clairement que les enseignants doivent jouer un rôle central dans l'élaboration des politiques éducatives. Cette démarche nécessite un véritable dialogue social, qui garantisse que les enseignants sont consultés et que l'on fait confiance à leur expertise pédagogique.

Les enseignants ont besoin d'autonomie professionnelle pour prendre des initiatives, innover et prendre des décisions qui façonnent l'avenir de l'éducation. Leurs idées et leur expertise sont essentielles pour transformer les systèmes éducatifs publics et favoriser des sociétés plus démocratiques, durables, inclusives et justes.

Cependant, pour des millions d'enseignants vivant dans des contextes de crise et des zones de conflit, il n'existe aucune plateforme de dialogue social. Ces enseignants manquent à la fois de ressources et de moyens d'expression, alors qu'ils sont le ciment des systèmes éducatifs publics fragiles et de leurs communautés. Ils ne sont pas seulement des éducateurs, ils sont l'espoir des enfants qui aspirent à un avenir meilleur et le méritent.

Alors que les dépenses militaires mondiales atteignent des niveaux record, les systèmes éducatifs publics dans les zones de conflit s'effondrent. Les enseignants ne sont pas payés, les infrastructures sont détruites et les enfants sont privés de leur droit à l'éducation. Pourtant, les enseignants continuent de soutenir leurs élèves dans des conditions inimaginables. Leur voix doit être entendue.

Lors du récent 10^e congrès mondial de l'Internationale de l'éducation, les syndicats de l'éducation du monde entier ont adopté une résolution sur l'éducation et le bien-être des enfants en période de conflit.

La résolution souligne que plus de 222 millions d'enfants en âge d'être scolarisés dans le monde sont touchés par des crises telles que les guerres et les déplacements, et que 78 millions d'entre eux ne sont pas scolarisés. Elle met également en lumière la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les enseignants, souvent non rémunérés, sous-payés ou payés en retard, alors qu'ils luttent pour obtenir des ressources pour leurs élèves.

De nombreux enseignants réfugiés se voient également refuser le droit de travailler dans les pays d'accueil, laissant les enfants et les élèves réfugiés dans les communautés d'accueil sans accès à des enseignants qualifiés.

La résolution condamne également les attaques croissantes contre les éducateurs, les élèves et les établissements d'enseignement, et souligne que les gouvernements doivent être tenus pour responsables de ces violations.

Récits provenant des lignes de front

Dans la bande de Gaza, la vie de plus d'un million d'enfants est menacée par la guerre, la famine et les maladies. Les écoles, qui devraient être des havres de paix, sont devenues des cibles de bombardements, mettant en danger les enfants et les enseignants. Le traumatisme du génocide marquera des générations.

En Ukraine, les élèves poursuivent leurs études en ligne alors que les écoles sont détruites. Nombre d'entre eux ont été tués, blessés ou déportés de force. En Afghanistan, les filles n'ont pas le droit d'aller à l'école et nombre d'entre elles risquent leur vie pour apprendre en secret.

Au Soudan, plus de 90 % des 19 millions d'enfants en âge d'être scolarisés n'ont pas accès à une éducation formelle, ce qui les expose au recrutement militaire et à la violence basée sur le genre. Au Nigéria, des groupes armés ont enlevé 248 enfants pour la seule année 2023, ciblant principalement les écoles et exposant les filles à un risque accru de violences sexuelles.

En République démocratique du Congo, les groupes armés sont responsables de 281 cas de violence sexuelle et de recrutement d'enfants dans les écoles, avec 3 764 violations graves à l'encontre des enfants enregistrées en 2023.

Au Liban, les syndicats de l'enseignement travaillent sans relâche pour assurer la sécurité des élèves et des communautés dans un contexte de bombardements israéliens et d'escalade de la violence. Des écoles ont fermé, servant d'abris d'urgence, et l'apprentissage à distance est devenu impossible en raison des coupures de courant et du déplacement de 40 % des élèves. Les syndicats de l'enseignement appellent à un cessez-le-feu. Ils veulent simplement la paix pour rouvrir les écoles et enseigner sans crainte.

Soutenir les enseignants en situation de crise : Recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies

Le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante a formulé des recommandations clés pour soutenir les enseignants dans les situations de conflit et de crise. Un soutien ciblé aux enseignants travaillant dans des situations d'urgence est essentiel pour s'assurer que leur bien-être est prioritaire, qu'ils reçoivent un salaire équitable et qu’ils travaillent dans des conditions décentes.

Le Groupe appelle également à faciliter les opportunités d'emploi pour les enseignants réfugiés, en leur permettant d'enseigner dans les communautés d'accueil. Cela garantirait la continuité pédagogique pour les élèves déplacés et procurerait un travail digne aux enseignants.

En outre, le Fonds mondial pour la rémunération des enseignants dans les régions touchées par une crise vise à assurer la stabilité financière aux enseignants, en veillant à ce que l'éducation se poursuive même dans les circonstances les plus difficiles.

L'éducation, un outil pour la paix

L'appel à la paix est indissociable de l'appel à une éducation publique de qualité. Les enseignants sont les mieux placés pour encourager la pensée critique et la compassion nécessaires pour lutter contre l'oppression et l'inégalité.

Comme l'a dit Paulo Freire : « La paix véritable ne s'obtient que par la justice et la transformation des systèmes d'oppression. Les enseignants, avec leurs élèves, peuvent devenir les agents de cette transformation. »

L'éducation publique est essentielle pour favoriser une paix et une démocratie durables. Et les enseignants doivent bénéficier des outils et du soutien nécessaires pour jouer pleinement ce rôle.

L'éducation est un outil de paix. Lorsque des écoles sont détruites, il ne s'agit pas seulement des bâtiments, mais aussi de l'avenir. Sans lieux d'apprentissage sûrs, des générations entières sont laissées pour compte, piégées dans des cycles de pauvreté et d'inégalité qu'il est difficile de briser.

Les gouvernements doivent agir maintenant en mettant en œuvre les recommandations des Nations Unies, en protégeant les écoles et les établissements d'enseignement et en veillant à ce que les enseignants en situation de crise soient entendus, valorisés et soutenus.