Inclure les élèves réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux. 1ère partie

Découvrez comment le Ghana inclu les élèves réfugiés de Côte d'Ivoire dans son système éducatif

15 septembre 2016 par Caroline Schmidt, UNHCR Regional Representation - West Africa
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Lecture : 10 minutes
Une classe du primaire à l'école communautaire de Fetentaa située dans le camp de réfugiés pour Ivoiriens. Le HCR y a batit une école. Crédit : UNHCR/Caroline Schmidt

En mai dernier, j'ai été invitée par des collègues au Ghana, afin d’évaluer les avancées en termes d’inclusion des élèves réfugiés originaires de Côte d’Ivoire dans le système éducatif ghanéen.

Depuis 2011, environ 11 500 habitants de Côte d’Ivoire ont fui les violences déclenchées à la suite des élections, pour se réfugier au Ghana. Près de 9 120 d’entre eux vivent dans trois camps situés dans les régions centrale, occidentale et de Brong Ahafo, tandis que 2 300 vivent à Accra et ses environs.

Les Ivoiriens représentent environ 60 % des réfugiés vivant actuellement au Ghana. Parmi eux, près de 4 000 enfants et jeunes âgés de 3 à 17 ans, ayant besoin d'une éducation préscolaire, primaire ou secondaire dans les camps et leurs environs.

Une éducation protectrice et de qualité est une priorité

La mission du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR) au Ghana est de trouver des solutions durables pour les réfugiés. Il s’agit par exemple du retour organisé ou volontaire, sécurisé et digne, en Côte d’Ivoire, de l’intégration locale au Ghana ou de la réinstallation dans des pays tiers sur la base de critères précis.

Le HCR facilite toutes les solutions durables, également soutenues par des efforts du gouvernement ivoirien pour promouvoir une réconciliation inclusive.

Une salle de classe à l'école d'Ampain, située dans le camp des réfugiés d'Ampain au Sud-ouest du Ghana près de Takoradi.

Une salle de classe à l'école d'Ampain, située dans le camp des réfugiés d'Ampain au Sud-ouest du Ghana près de Takoradi.

Crédit: UNHCR/Caroline Schmidt

Du début d’une situation d’urgence et d'un déplacement forcé, à l’identification d’une solution durable, une éducation protectrice et de qualité pour les enfants et les jeunes réfugiés est une des priorités du HCR.

Le Ghana constitue un exemple intéressant d’inclusion des enfants réfugiés dans le système éducatif du pays d'accueil. Voici quelques-uns des aspects couramment rencontrés : le besoin d’accepter les forces et faiblesses du système éducatif du pays d'accueil, la prise en compte du rôle et des contraintes économiques des parents réfugiés, l’apport de repas scolaires pour garantir une fréquentation régulière et l’importance d’un partenariat pour veiller à ce que l’enseignement proposé soit conforme à l'Objectif de développement durable 4.

D’une situation d’urgence à l’inclusion

Au cours de la phase d’urgence en 2011-2012, lorsque les réfugiés ivoiriens sont arrivés au Ghana, le bureau ghanéen du Haut-Commissariat aux Réfugiés, l’UNICEF et les autorités ghanéennes ont collaboré, afin d’offrir un enseignement aux enfants et jeunes réfugiés et de minimiser cette période d’interruption dans leur éducation.

Durant cette période, les enfants réfugiés ont étudié le programme scolaire ivoirien en français, enseigné par des enseignants réfugiés ivoiriens, avec des manuels scolaires ivoiriens fournis par l’UNICEF. Un arrangement a été trouvé avec les autorités togolaises, afin que les enfants ivoiriens puissent passer leurs examens scolaires francophones sous la supervision de ces dernières.

En 2012, le HCR et son partenaire d’exécution, le Conseil chrétien du Ghana, avaient commencé à œuvrer avec les Services éducatifs du Ghana (SEG) pour inclure les enfants et les jeunes réfugiés dans les établissements scolaires nationaux, et intégrer progressivement les écoles primaires créées dans les trois camps de réfugiés au sein du système des SEG. En 2013, ce processus d'inclusion avait débuté, et tous les enfants recevaient l'enseignement du programme scolaire ghanéen.

La gestion de la transition en termes de programme scolaire et de langue aux niveaux primaire et secondaire a posé plusieurs difficultés. Coordonner une telle transition suite à une situation d’urgence prend du temps et nécessite un financement et des capacités fiables et suffisantes, tant de la part du pays d’accueil que du HCR et ses partenaires.

Pour les enfants réfugiés, l’apprentissage dans une nouvelle langue a constitué une des plus grosses difficultés. Au cours de l’été 2013 par exemple, des cours accélérés d’orientation en anglais ont été organisés pour tous les élèves sortant de 6e année, ce qui a pu aider plus de 230 élèves à intégrer le niveau du collège dans divers établissements ghanéens. Entre 2013 et 2015, des cours accélérés d’anglais ont été proposés à près de 900 enfants.

Il a fallu acquérir les manuels scolaires supplémentaires et le matériel pédagogique nécessaires, et les enseignants réfugiés ivoiriens bénévoles ont dû être remplacés par des enseignants ghanéens formés.1

Les enseignants jouent le rôle le plus important en soutenant les enfants face à un tel défi. Déployer et maintenir les enseignants dans les écoles des camps s’est avéré difficile, ainsi que trouver des enseignants connaissant le français pour gérer la barrière de la langue en classe et dans l'interaction avec les parents.

Inclure des enfants dans un système éducatif comportant des forces et des faiblesses

Aujourd’hui, plus de 1 200 enfants (de la maternelle à la 6e année du primaire) bénéficient d’un enseignement dans les trois écoles primaires actuellement enregistrées comme écoles communautaires (Photos 3 et 4) : 37 enseignants des SEG sont chargés d’enseigner le programme scolaire ghanéen ; des manuels scolaires ghanéens sont utilisés ; les SEG supervisent les établissements ; chaque école s'est vue assigner un code permettant de transmettre les données la concernant dans le Système d’information et de gestion de l’éducation ; et les établissements bénéficient de subventions scolaires par élève.

L'inclusion des élèves réfugiés dans le système ghanéen garantit la certification de leurs études au moyen d’examens accrédités, offre une responsabilisation en termes de qualité de l’enseignement et de l’apprentissage au sein du système national et un accès à tous les niveaux d’études.

La toute nouvelle bibliothèque pour les réfugiés ivoiriens du camp d'Egyeikrom ouverte en mai 2016.

La toute nouvelle bibliothèque pour les réfugiés ivoiriens du camp d'Egyeikrom ouverte en mai 2016. Une opportunité pour ceux-ci de lire davantage. Le seul bémol est que la plupart des manuels sont en français alors que les enfants ont besoin de livres en anglais.

Crédit: UNHCR/Caroline Schmidt.>

Malgré les avancées, on constate que la langue demeure un problème, que le taux de scolarisation le plus récent dans l'enseignement primaire pour ces régions atteint à peine 60 %2, que les enseignants se plaignent de fréquentation scolaire irrégulière et que seul un tiers des élèves âgés de 12 à 17 ans sont scolarisés dans le secondaire (le deuxième cycle de l’enseignement secondaire n’est pas gratuit au Ghana et, sans le soutien apporté par les rares bourses scolaires attribuées, ne serait pas à la portée des réfugiés)

Nous constatons également des difficultés qui ne sont pas spécifiques aux réfugiés et touchent également les élèves ghanéens dans les écoles publiques. C’est le cas par exemple du manque de manuels scolaires qui est un problème au niveau national.

En fait, les élèves du primaire et du secondaire avec lesquels je me suis entretenue dans le camp d’Ampain ont parfaitement exprimé leurs opinions et leurs préoccupations en ce qui concerne leur éducation. Il est important de le noter, non seulement parce qu'ils l'ont fait en anglais, mais aussi, parce que cela m'a aidé à comprendre leurs luttes, leurs ambitions et la nécessité de leur donner un espace pour s’exprimer.

Le ratio manuel scolaire par élève est de 1 pour 3 en moyenne car, il varie d'un établissement à l'autre. Au cours d’une discussion avec des élèves réfugiés à Ampain (Photo 1), les élèves qui ont passé leur Brevet d’études du premier cycle (BECE) cet été étaient particulièrement préoccupés par le fait de ne pas pouvoir ramener leurs manuels chez eux pour étudier.

Bien que la fourniture d’uniformes scolaires fasse partie des efforts du gouvernement en matière d’offre d’une éducation de base obligatoire et gratuite pendant 11 ans aux enfants âgés de 4 à 14 ans, presqu’aucun établissement ne reçoit suffisamment d’uniformes pour tous ses élèves. Un chef d’établissement m’a dit que l’an dernier, il n’avait reçu que 3 uniformes pour 155 enfants.

Compte tenu de ces difficultés et de l’engagement du HCR à soutenir les gouvernements d'accueil dans des situations qui se prolongent, le renforcement de la coordination et du partenariat avec le gouvernement du Ghana et ses partenaires au développement est crucial tant pour la réussite de l'inclusion des élèves réfugiés que pour sa durabilité.

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Notes:
1Actuellement, 14 réfugiés enseignants bénévoles enseignent les classes de maternelle/jardins d'enfants. Huit enseignants ivoiriens ont bénéficié d'un soutien leur ayant permis d'être inscrits dans une école de formation des enseignants au Ghana.
2Il est à noter que les mouvements des familles à la recherche d'emploi, compliquent la surveillance et le suivi des inscriptions des enfants dans les écoles.

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This is good for children in displacement, they need to be strengthened with quality education for resilience and quick recovery.

There is always a dilemma when refugees cross to a country which uses a different language of instruction. Should refugee children and refugee eachers (qualified or volunteer) use the home country curriculum, to support a durable solution of repatriation? (This ideally also requires the home country to validate their examination results.) Or should the refugee children follow the host country curriculum (as for a durable solution of settlement in the host country), and then be ill-equipped in terms of language skills if they actually return to their home country?

The local context is decisive, but if there is a significant possibility of repatriation, then maintaining students' study skills in French would be important, even as an extra-curricular activity.

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