Vers une éducation à l'action climatique

Enseigner aux enfants le changement climatique ne peut pas simplement consister à leur donner des faits. Différentes approches pédagogiques peuvent aider les élèves des pays à faible revenu à devenir plus sensibles à ces problématiques et à devenir des agents du changement.

27 décembre 2022 par Fumiyo Kagawa, Sustainability Frontiers, UK , et David Selby, Sustainability Frontiers, UK
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Lecture : 6 minutes
Des enfants participent à une activité scolaire de sensibilisation au changement climatique à l'école primaire Gamal Abd El-Nasser dans le gouvernorat de Fayoum en Haute-Égypte.
Des enfants participent à une activité scolaire de sensibilisation au changement climatique à l'école primaire Gamal Abd El-Nasser dans le gouvernorat de Fayoum en Haute-Égypte.
Credit: UNICEF/UN0726803/Mostafa

Si un message clé sur le changement climatique pour les écoles des pays à faible revenu est que les enfants et les jeunes doivent être des agents du changement dans leurs communautés, pour assurer une planète vivable pour tous, alors augmenter simplement leurs connaissances et leur compréhension factuelles ne sera pas suffisant.

Une pédagogie adaptée à l'objectif visé doit être celle d'un engagement actif. Une approche composée d'écoute passive, d'engagement sédentaire et d’apprentissage par cœur ne favorisera pas les compétences et l'état d'esprit d'une citoyenneté participative et proactive. Malheureusement, les pédagogies passives et sédentaires restent dominantes dans de nombreuses salles de classe des pays à faible revenu.

Modalités d'apprentissage en réponse au changement climatique

Sur la base de notre document UNESCO/UNICEF de 2012 intitulé La réduction des risques de catastrophes dans les programmes scolaires : études de cas concernant trente pays et de nos recherches ultérieures, nous considérons qu'un mélange et une juxtaposition continus des modalités d'apprentissage suivantes offrent des résultats optimaux.

Il est important de noter que ces modalités d'apprentissage ne doivent pas être conçues simplement pour être utilisées en classe, mais également au-delà de la salle de classe - reliant l'apprentissage des élèves en classe à l'apprentissage au sein de l'école au sens large et, surtout, en dehors de l’école dans la communauté. Chaque modalité a le potentiel d’apporter de multiples connaissances, compétences et résultats d'apprentissage en matière d’attitudes et de dispositions.

  • Séances de discussion (en binôme, en petits groupes et/ou avec l’ensemble du groupe) : réflexion en petit groupe et avec l’ensemble du groupe (par exemple, les élèves proposent spontanément des idées sur un sujet, toutes les idées étant acceptées, avant leur catégorisation, organisation et évaluation) ; présentations d'élèves impliquant des commentaires de l'enseignant, des membres de la communauté et d'autres élèves ; séances de questions-réponses avec des conférenciers invités.
  • Activités mobiles : se déplacer pour échanger ou partager des informations, examiner collectivement le matériel affiché ou aller voir les présentations du travail et des idées de chacun.
  • Apprentissage socio-émotionnel : partager ses sentiments sur le changement climatique et des expériences personnelles liées aux catastrophes ; articuler ses espoirs et ses craintes pour l'avenir ; effectuer des exercices d'empathie en réponse à des études de cas et des récits de personnes victimes de catastrophes.
  • Apprentissage par le biais d’enquêtes : enquêter et se renseigner par l'observation, les sondages, les entretiens et la recherche sur Internet ; travailler sur des projet ; analyser des études de cas.
  • Apprentissage par l’expérience de substitution : examiner et répondre à des contributions vidéo et audio ; jouer à des jeux de société ; faire des jeux de rôle ; utiliser le théâtre, la danse et le chant.
  • Apprentissage par l’expérience sur le terrain : visites de terrain dans des zones de protection de l'environnement ; enquêtes communautaires ; visites de classe dans des fermes biologiques et des réserves naturelles ; visites d’ONG liées au climat pour en savoir plus sur leur mandat, leur travail et leur fonctionnement ; cartographie des risques dans les écoles et les communautés ; interroger les membres de la communauté ; travailler avec les équipes communautaires.
  • Apprentissage par l'action et le militantisme : engagement des élèves dans des projets de renforcement de la résilience communautaire ; campagnes de sensibilisation dans les écoles et les communautés sur l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, la réduction des risques de catastrophe et la protection de l'environnement ; parler à la radio locale ; formation d'opinion par l'utilisation des médias traditionnels et sociaux ; plantation d'arbres ; jardinage scolaire ; assainissement de l'environnement local.

Ces approches pédagogiques doivent être adaptées au stade de développement des apprenants concernés.

Il est important de veiller à ce que les jeunes enfants fassent l'expérience d'approches d'apprentissage adaptées à leur âge, ludiques et créatives, dans lesquelles un rôle de soutien est assumé par les parents et les tuteurs.

En 2019-2020, le programme d'atténuation et d'adaptation au changement climatique et de réduction des risques de catastrophe pour le premier cycle du secondaire a été élaboré par le ministère de l'Éducation de Saint-Vincent-et-les Grenadines, avec le soutien technique de Sustainability Frontiers. Ce nouveau programme utilise la gamme variée de modalités d'apprentissage interactives, participatives et expérientielles énumérées ci-dessus (voir Selby et al. 2020).

Une approche entre pairs s'est avérée efficace pour sensibiliser largement les communautés à l'écologie et à la sécurité, comme le montrent le programme de plaidoyer des jeunes Unite4Cimate en Zambie, et le programme « Samedi en toute sécurité » (en anglais, Safe Saturday) qui est un élément clé du programme de sécurité scolaire du ministre en chef à l'échelle de l'État élaboré par le gouvernement de l'État du Bihar en Inde (voir le rapport national sur l'Inde issu de la série intitulée « La chaleur est au rendez-vous ! » (en anglais, Heat is On!) de l’UNICEF en Asie du Sud).

Se chevauchant avec certaines des modalités d'apprentissage mentionnées ci-dessus, les deux axes pédagogiques transversaux suivants sont essentiels pour faire face au changement climatique. Le premier est vital étant donné les preuves significatives qui émergent indiquant que les jeunes souffrent d'anxiété et de chagrin débilitants face à ce qui arrive au monde naturel.

Le second est crucial car le développement des moyens d’action des élèves nécessite un engagement pratique dans la vie réelle et une expérience d'apprentissage dans l'environnement naturel local et dans/avec la communauté locale.

Apprentissage et enseignement qui abordent l'éco-anxiété et l'éco-chagrin

De nouvelles preuves indiquent qu'un grand nombre de jeunes dans le monde ressentent de la détresse, de la peur et de l'angoisse associées au changement climatique et à la confluence des crises écologiques (voir, par exemple, l'enquête 2020 de l'UNICEF couvrant les huit pays d'Asie du Sud et l'enquête mondiale du Lancet de 2021 donnant les résultats de 10 pays).

L'apprentissage véritablement transformateur implique des processus conscients et soutenus d'engagement avec la douleur, le désespoir et le chagrin face à ce que nous perdons, tout en nous dotant des compétences, de la confiance et du sentiment d'auto-efficacité permettant un engagement critique et créatif avec les réalités du changement climatique.

L'école devrait offrir des environnements d'apprentissage sûrs où les élèves peuvent exprimer et partager leurs angoisses et leurs peurs comme prélude afin de cultiver un sentiment d'espoir fondé pour l'avenir Selby & Kagawa 2018).

Les activités prospectives sont également importantes, ouvrant la voie à une réflexion sur la manière d'anticiper les futurs indésirables et, inversement, de travailler et de réaliser les futurs souhaités à tous les niveaux, allant des niveaux personnel et local jusqu'aux niveaux national et mondial.

L’enquête du Lancet mentionnée ci-dessus a révélé que l'éco-anxiété n'est pas seulement fomentée par la catastrophe écologique, mais est aggravée lorsqu’on voit les personnes qui occupent des postes d'autorité et d'influence échouer à plusieurs reprises à agir sur la menace de dégradation de l'environnement et du climat.

Les approches d'apprentissage et d'enseignement devraient renforcer les capacités et la confiance des élèves à exiger des personnes qui sont au pouvoir qu’elles rendent des comptes et à participer à une action collective pour faciliter le changement de système et de comportement d'une manière adaptée à l'âge et à la culture.

Il devrait y avoir des plateformes et des espaces à l'intérieur et à l'extérieur des écoles où les voix des enfants et des jeunes sont entendues. Ce qu'ils ont à dire doit être reconnu, adressé et mis en œuvre avec sérieux, de manière ouverte et transparente.

Apprentissage et enseignement axés sur les lieux et en immersion dans la nature

Les approches d'apprentissage axés sur les lieux, l’immersion dans la nature et l’expérience sont essentielles et s’avèrent efficaces pour développer la pleine conscience des enfants et des jeunes envers l'environnement naturel tout en approfondissant leur relation avec la planète vivante.

Par exemple, aux Maldives, le programme d'exploration océanique du ministère en 2018, appeléFarukoe (ce terme signifie 'enfant du récif' en langue Dhivehi), était un programme expérientiel en immersion dans la nature par le biais de la plongée avec masque et tuba. Le programme était basé sur la conviction du ministère selon laquelle lorsque les élèves développent « un amour et un lien forts avec l'océan » grâce à une exposition directe aux récifs, une passion pour les protéger suivra naturellement.

Le programme Farukoe semble avoir été un tremplin pour une meilleure compréhension de l'environnement local par les élèves et un déclencheur pour une action pro-environnementale dans les écoles et les communautés des élèves (voir le rapport national des Maldives issu de la série intitulée « La chaleur est au rendez-vous ! » (en anglais, Heat is On!).

Dans un contexte de dégradation et de situations climatiques extrêmes, l'apprentissage expérientiel dans la nature n'est pas sans défis. Dans certains cas, il fait tout simplement trop chaud ou il est trop dangereux d’effectuer un apprentissage en plein air.

Dans certains cas, la riche biodiversité a déjà disparu. En l'absence d'expérience directe et riche avec la nature, un nombre croissant d'enfants et de jeunes souffrent du « syndrome de déficit de nature ». Tout programme d'éducation au changement climatique cherchant à se transformer doit trouver des moyens de faire face à ce phénomène.

Une recherche récente de l'UNICEF sur le changement climatique et les systèmes éducatifs en Asie du Sud souligne que bien qu'il existe des enseignants et des écoles très engagés qui font déjà de leur mieux pour sensibiliser les élèves à l’écologique et au changement climatique, ainsi que pour motiver les élèves à s'engager dans des actions pro-environnementales, de tels efforts doivent être soutenus et systématisés. Les efforts doivent être liés, coordonnés, intensifiés et constamment renforcés.

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