Des écoles sobres en carbone pour atténuer les effets du changement climatique et améliorer les apprentissages

Des études récentes confirment à quel point l'amélioration de l'état des salles de classe peut avoir un impact positif sur l'apprentissage des enfants. Avec un besoin de salles de classe aussi important, ceci constitue une opportunité à la fois pour améliorer la conception des écoles et inciter à un changement d'attitude vis-à-vis des constructions intelligentes à faible émission de carbone.

09 novembre 2022 par Catriona Forbes
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Une salle de classe de l'école primaire Horton Street à Freetown en Sierra Leone. Crédit : Catriona Forbes
Une salle de classe de l'école primaire Horton Street à Freetown en Sierra Leone. Il s'agit d'un bâtiment scolaire à faible émission de carbone conçu et construit par des parents, des maçons issus de la communauté locale et Catriona Forbes.
Credit: Catriona Forbes

Pour atteindre l’éducation universelle d’ici à 2030 (comme le prévoit l’ODD 4), il faudra plus de 20 millions d’enseignants supplémentaires (ISU). Compte tenu de la surcharge des salles de classe dans les pays à faible revenu, il faudra aussi bâtir des millions de lieux d’apprentissage supplémentaires au cours de la prochaine décennie.

Cet énorme besoin de bâtiments scolaires est une formidable occasion d’améliorer la conception des écoles et, dans le même temps, de faire évoluer les mentalités sur les enjeux des constructions à faible émission de carbone.

À grande échelle, l’intégration de la sobriété carbone dans la conception et la construction des établissements scolaires représente un fort potentiel d’implantation rapide de lieux d’apprentissage économiques et durables, favorisant la qualité de l’éducation qui y sera dispensée.

De récentes études ont confirmé que l’amélioration de l’environnement scolaire avait d’importants effets positifs sur les capacités d’apprentissage des enfants.

Concevoir des locaux qui soient plus qu’un simple abri

Il incombe aux concepteurs de créer des espaces éducatifs propices aux apprentissages et tirant le meilleur parti des aptitudes des enfants. Au niveau le plus élémentaire, il s’agit d’apporter une protection contre les intempéries tout en assurant des conditions intérieures confortables en termes de ventilation, de lumière naturelle et de température.

Dans les bâtiments sobres en carbone, ce confort est assuré par une maîtrise passive des conditions ambiantes, reposant sur les propriétés thermiques des matériaux et des surfaces.

Les bâtiments conçus selon des systèmes de construction passive ne sont pas chers à réaliser ni à faire fonctionner, car ils ne requièrent pas de composants spéciaux ni de technologies particulières. Ainsi, un bâtiment scolaire, qui n’est normalement utilisé qu’en journée, ne devrait pas avoir besoin d’électricité pour assurer un bon confort d’apprentissage.

L’architecture vernaculaire, qui a évolué au fil des générations et des pratiques, propose des exemples de systèmes efficaces de construction passive. Elle a eu en effet recours traditionnellement à des matériaux renouvelables et des outils disponibles sur place pour créer des espaces intérieurs qui présentent de meilleures conditions ambiantes qu’à l’extérieur, sans intervention de systèmes mécaniques.

Le bâtiment abritant les salles informatique de l'école de Kuntoloh à Freetown en Sierra Leone. Crédit : Catriona Forbes
Le bâtiment abritant les salles informatique de l'école de Kuntoloh à Freetown en Sierra Leone. Il s'agit de constructions à faible émission de carbone conçu et bâties par des maçons locaux et Catriona Forbes.
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Catriona Forbes

La compréhension du fonctionnement de ces modèles et de ces matériaux est une énorme source de connaissances qui peut éclairer aujourd’hui la conception de locaux scolaires sobres en carbone.

Ces architectures locales ont apporté des réponses aux conditions propres à chaque époque. Or, à l’heure actuelle, compte tenu des changements climatiques, il nous faut envisager la conception des bâtiments non seulement en fonction des conditions actuelles, mais aussi en fonction des prévisions de l'évolution du climat et de l’environnement physique.

À cet égard, on peut s’inspirer des solutions adoptées sous des climats semblables à ceux qui nous attendent : dans une région exposée à un risque de désertification, par exemple, il sera utile de regarder comment les populations ont appris à vivre dans le désert, ou dans une région sujette aux inondations, de considérer comment les habitants ont procédé depuis des siècles pour édifier des bâtiments dans des plaines inondables (comme en Sierra Leone).

Pour que le bâti soit véritablement durable, il doit être conçu de manière holistique. C’est un aspect particulièrement important pour la conception d’une école qui, de même que les bâtiments religieux, constitue souvent le centre d’une communauté.

Les bâtiments scolaires sont des biens publics dans lesquels chacun a un intérêt. C’est entre ces murs que se forment les futurs membres de la communauté.

La conception d’une école doit forcément s’inscrire dans un plan d’urbanisation plus large tenant compte de son identité propre, du lieu où les enseignants seront logés, des possibilités qu’auront les enfants de se rendre en classe en toute sécurité, de l’élimination des déchets, des services nécessaires, etc.

Les salles informatique de l'école de Kuntoloh à Freetown en Sierra Leone, construites en matériaux renouvelables.
Les salles informatique de l'école de Kuntoloh à Freetown en Sierra Leone, construites en matériaux renouvelables.
Credit:
Catriona Forbes

De même, il faut impérativement penser les stratégies d’un projet sur la base d’un examen rigoureux et détaillé des structures.

Le confort des espaces d’apprentissage peut être affecté par des facteurs tels que la mauvaise disposition ou le mauvais dimensionnement des ouvertures, une orientation inefficace des persiennes, une erreur de spécification des matériaux, un choix de couleur erroné ou l’insuffisante définition d’une fixation. La philosophie de sobriété carbone doit être intégrée à toutes les étapes de la conception.

Optimiser la construction de A à Z

Pour concevoir un projet d’un bon rapport efficacité-coût et efficient, la prise de décision doit, dès le départ, s’appuyer sur une connaissance approfondie des conditions de passation des marchés de matériaux, des industries et des procédures locales, ainsi que des contraintes logistiques et pratiques.

Dans les pays à faible revenu, le coût des matériaux, transport inclus, représente une large part des budgets de construction. En fondant la conception d’une école sur des matériaux naturels disponibles localement et en exploitant les méthodes et normes existantes en matière de passation des marchés, il est possible de réduire considérablement les coûts.

Une même conception peut en outre convenir pour les différentes écoles d’un district, d’un pays, voire d’un continent. Dans certains endroits, il peut être judicieux de préfabriquer en atelier la majeure partie d’un bâtiment en constituant une sorte de « kit » à assembler sur place.

Cette méthode présente divers avantages :

  • accès à des ouvriers hautement qualifiés et à une bonne expérience de supervision des travaux ;
  • production rapide et de bonne qualité ;
  • économie de transport ;
  • sécurité des matériaux (moins de risques de vol) ;
  • rationalisation de chaînes d’approvisionnement responsables.

Une bonne conception doit être doublée d’une bonne supervision de la construction pour veiller à la mise en œuvre effective des gains d’efficience prévus dans la conception.

La logique de la chaîne de production doit être poursuivie dans l’organisation et l’exécution des travaux de construction.

Éviter les écueils

La plupart des gouvernements des pays à faible revenu disposent de plans ou modèles d’écoles normalisés qui ont été approuvés.

Le déploiement d’écoles sobres en carbone nécessite que les gouvernements et les financeurs s’approprient les nouvelles formes de construction.

Il arrive souvent que la préférence soit donnée à une esthétique associée à la prospérité des pays développés, même si elle n’est pas adaptée aux conditions climatiques locales. Le problème principal est alors d’aider les parties prenantes à percevoir l’intérêt et la valeur progressiste des techniques de construction traditionnelles et des matériaux bon marché, directement disponibles sur place.

Il me semble que cette difficulté peut être surmontée par une réévaluation du mode de conception et un investissement dans la formation tout au long du processus de conception.

Dans la phase initiale de conception, il peut être rentable d’investir dans les services d’architectes et d’ingénieurs ayant l’expérience de projets internationaux (qui seront à même de transposer des enseignements et des idées éprouvées ailleurs).

Les entreprises de construction locales détiennent néanmoins une somme de savoir et d’expérience nécessaire à la conception de bâtiments adaptés au contexte. D’autres parties prenantes et utilisateurs finaux apporteront aussi une connaissance essentielle du milieu.

Si toute une équipe de parties prenantes, de constructeurs et d’architectes est associée au processus de conception, il sera possible d’incorporer ces connaissances et cette expérience du milieu dans la création d’écoles sobres en carbone adaptées aux conditions locales.

Des enseignants et des parents concevant leur école à « l'école nomade d'architecture ».
Des enseignants et des parents concevant leur école à « l'école nomade d'architecture ».
Credit: Catriona Forbes
Visite du site avec l'équipe de conception pendant « l'école nomade d'architecture ».
Visite du site avec l'équipe de conception pendant « l'école nomade d'architecture ».
Credit: Catriona Forbes

Dans cette optique, une compréhension approfondie de la conception des écoles est indispensable, depuis le stade de la planification jusqu’à la livraison des bâtiments, ce qui passe, par exemple, par la conduite d’études de l’adaptation des plans au site (et la modification du modèle standard si nécessaire) ainsi que par une supervision attentive des travaux.

Il est crucial que les parties prenantes retenues pour faire partie de l’équipe de conception continuent à jouer un rôle actif dans la livraison des écoles et la promotion des avantages d’une conception sobre en carbone.

C’est une méthode que j’ai expérimentée dans le cadre d’une « école d’architecture nomade » en Sierra Leone. De jeunes ingénieurs et des constructeurs expérimentés ont été sélectionnés localement pour concevoir les bâtiments scolaires de leurs propres communautés.

Grâce à cet « apprentissage par la pratique », les personnes associées au projet ont évalué les conditions propres aux sites, adapté les plans en conséquence, respecté les normes requises pendant les travaux et transféré leur savoir.

Dans un programme de livraison d’écoles à grande échelle, les personnes impliquées dans les phases de conception et de construction sont aussi celles qui seront chargées de la gestion des chantiers suivants.

Cette approche de formation présente un certain nombre d’autres avantages :

  • une bonne conception est subordonnée à une connaissance approfondie des conditions locales ; une expérience sur la durée de la culture et du lieu est utile à la conception ;
  • les parties prenantes au projet apprennent à régler les problèmes en y apportant des solutions pratiques, ce qui est une précieuse compétence pour des populations confrontées, dans tous les secteurs (et pas uniquement la construction et l’éducation), à de nouveaux problèmes induits par les changements climatiques ;
  • de plus — et ce point est encore plus important — ces parties prenantes deviennent elles-mêmes les porte-parole de la sobriété carbone, l’école servant de bâtiment témoin d’une construction durable.

Dans un contexte de bas revenu, la force du « bouche-à-oreille » ne doit pas être sous-estimée, car c’est un outil efficace de transformation des mentalités en matière de construction bas carbone.

Ce programme de formation englobait majoritairement des personnes (enseignants et parents) directement concernées par l’école en question. À grande échelle, les parties prenantes à inclure dans ce type de projet comprennent aussi bien les pouvoirs publics, les financeurs, les chefs, les collectivités locales que le grand public, les parents, les enseignants et les élèves.

Certes, toutes les personnes impliquées dans la conception ne participeront pas à la gestion du chantier, mais leur implication est importante pour mieux « vendre » le projet d’école sobre en carbone.

Dans les zones exposées à de grandes incertitudes, une valeur particulièrement importante est accordée à la permanence des structures. Le béton est souvent considéré comme le matériau le plus résistant (à l’inverse des matériaux naturels).

Or le béton n’est pas un matériau durable. Il n’est pas adapté aux climats chauds, a peu de résistance quand il n’est pas correctement fabriqué, et peut même, au pire, rendre les bâtiments dangereux. En outre, les matériaux qui le composent sont relativement chers et la qualité de la construction doit être surveillée de près.

Ces inconvénients n’empêchent malheureusement pas les financeurs et les gouvernements de choisir le béton et l’acier comme matériaux de référence des modèles standard de construction de locaux scolaires.

Une salle de classe à faible émission de carbone à Tombo en Sierra Leone, conçue par Catriona Forbes.
Une salle de classe à faible émission de carbone à Tombo en Sierra Leone, conçue par Catriona Forbes.
Credit:
Catriona Forbes

Il faut réussir à démontrer qu’il est possible d’obtenir avec des matériaux naturels des caractéristiques de conception généralement associées au béton.

Le moyen de persuasion le plus efficace consiste à construire des bâtiments témoins qui permettent à tout un chacun de voir et de constater la qualité d’un équipement scolaire sobre en carbone.

La proposition d’alternatives sobres en carbone passe par une bonne compréhension des attentes des parties prenantes (et pas uniquement de leurs besoins).

C’est en associant un large éventail de parties prenantes à la conception que nous pourrons rehausser les compétences d’exécution et de livraison, défendre une approche de sobriété carbone pour les écoles, et veiller à ce que les bâtiments répondent effectivement aux attentes.

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