Une nouvelle méthode de mesure apporte un éclairage plus nuancé sur la stagnation des taux de non-scolarisation

L'utilisation de nouvelles données provenant d'enquêtes auprès des ménages a permis d'estimer avec plus de précision le nombre d'enfants et de jeunes non scolarisés dans le monde.

06 septembre 2022 par Manos Antoninis, Global Education Monitoring Report, et Silvia Montoya, UNESCO Institute for Statistics
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Lecture : 5 minutes
Un jeune homme travaille à débrouissailler dans le village de Kailo près de Kindu, province de Maniema, en République démocratique du Congo. On estime que la RDC compte 6 millions d'enfants non scolarisés.
Un jeune homme travaille à débrouissailler dans le village de Kailo près de Kindu, province de Maniema, en République démocratique du Congo. On estime que la RDC compte 6 millions d'enfants non scolarisés.
Credit: GPE/Elvix Kwanu

Afin de produire des estimations sur le nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés, l’UNESCO utilise traditionnellement les données administratives officielles sur le nombre d’inscrits et les projections démographiques de l’ONU.

Depuis quelques années toutefois, les enquêtes auprès des ménages fournissent des informations qui, si elles ne sont pas toujours pleinement cohérentes, ont le mérite de fournir des données complémentaires. Or ces dernières n’ont pas été exploitées de manière systématique.

Le recours à de multiples sources a été prôné par l’ONU en 2015 lors de son appel à une révolution des données. L’UNESCO a donc élaboré une nouvelle méthodologie donnant lieu au regroupement de toutes les sources dans le but d’améliorer les estimations des effectifs non scolarisés.

Les données de sources administratives indiquaient une rapide évolution à la baisse du nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés au cours des 10 premières années du millénaire, qui s’est toutefois nettement ralentie au cours des 10 années suivantes. La nouvelle méthodologie qui est maintenant appliquée corrobore cette tendance générale, mais fait ressortir d’importantes nuances.

Les résultats sont disponibles sur le site web VIEW, qui permet aux utilisateurs d’examiner de manière plus approfondie les données et les sources utilisées pour chaque pays et pour chaque tranche d’âge. Les principales conclusions sont récapitulées dans une fiche d’information.

Le nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés est tombé de 401 millions à 244 millions en 20 ans.

UNESCO data animation

Selon les estimations effectuées à l’échelle mondiale, en 2000, 401 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes d’âge scolaire n’étaient pas scolarisés, et un peu moins d’un cinquième des enfants en âge de faire des études primaires n’allaient pas à l’école.

Depuis lors, le pourcentage d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire qui ne sont pas scolarisés a diminué de plus de moitié. Des progrès analogues ont été observés au niveau du secondaire. À l’heure actuelle, 244 millions d’enfants et de jeunes ne sont toujours pas scolarisés.

Population non scolarisée, par tranche d'âge

Bien que cette diminution témoigne d’une amélioration notable de l’accès à l’éducation, les progrès demeurent inégaux. Les effectifs non scolarisés ont diminué de 123 millions entre 2000 et 2010, mais de seulement 34 millions entre 2010 et 2021.

En Afrique subsaharienne, la proportion d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire, mais non scolarisés est passée de 31 % en 2000 à 55 % en 2021.

Les nouvelles données peuvent être ventilées par région, niveau de revenu et pays. La nouvelle méthodologie contribue également à combler les lacunes des données dans certains pays.

Cela s’est révélé être le cas pour le Pakistan et le Nigéria qui comptent chacun environ 20 millions d’enfants et de jeunes non scolarisés, de l’Éthiopie (10,5 millions) et de la République démocratique du Congo (6 millions).

Ces chiffres sont autant de signaux d’alarme importants pour les groupes de plaidoyer dont l’action vise à ne laisser aucun enfant de côté et pour les planificateurs nationaux.

Répartition régionale des enfants en âge de fréquenter l’école primaire qui ne sont pas scolarisés, 2021

Les taux de non-scolarisation stagnent encore plus pour les adolescents et les jeunes en âge de faire des études secondaires. Ils n’ont diminué que de 2,3 points de pourcentage dans le premier cycle du secondaire et de 6,1 points de pourcentage pour le deuxième cycle entre 2010 et 2021, soit bien plus lentement qu’au cours des 10 années précédentes.

Moins de filles que de garçons ne sont pas scolarisées depuis 2007, mais des disparités persistent /h3>

Le nombre de filles non scolarisées est tombé à un niveau inférieur à celui des garçons en 2007. Les dernières données montrent que 119 millions de filles, contre 126 millions de garçons, ne sont actuellement pas scolarisées.

Bien qu’il n’existe pratiquement aucune différence, à l’échelle mondiale, entre les proportions de filles et de garçons non scolarisés dans chacune des trois tranches d’âge, des écarts notables peuvent être observés dans les régions, en particulier pour le deuxième cycle du secondaire : par exemple, le taux de filles non scolarisées est supérieur de 4,2 points de pourcentage à celui des garçons en Afrique subsaharienne, mais est inférieur de 3,1 points de pourcentage à ce dernier en Asie de l’Est et du Sud-Est.

Écart entre la proportion de filles et de garçons non scolarisés, par tranche d’âge et par région, 2021

Écart entre la proportion de filles et de garçons non scolarisés, par tranche d’âge et par région, 2021

Il faudra du temps avant de pouvoir évaluer les répercussions de la COVID-19 sur l’accès à l’école

Cette nouvelle analyse confirme qu’aucun progrès n’a été accompli durant les années 2010, ne serait-ce qu’en direction du modeste objectif consistant à assurer l’éducation primaire universelle, qui devait être atteint en 2015.

Selon toute vraisemblance, les pays dont les progrès avaient été entravés dans les années 1980 et 1990 ont pris, dans les années 2000, toutes les mesures nécessaires pour pouvoir rattraper le temps perdu, mais l’élan imprimé s’est, depuis lors, essoufflé.

Il est plus difficile d’atteindre les populations bien plus défavorisées pour assurer un accès universel, et la réalisation de cet objectif exige de nouvelles stratégies, une volonté politique et, surtout, des ressources.

L’appui extérieur, qui a dans le passé aidé de nombreux pays à retrouver une trajectoire adéquate, s’est amenuisé au cours des dernières années, ce qui a provoqué une stagnation.

La nouvelle analyse met en relief certaines nuances qui permettent d’orienter tous nos travaux.

  • Premièrement, selon les estimations, le nombre total d’effectifs non scolarisés est de 13 millions, soit un chiffre inférieur de 5 % à celui préalablement estimé uniquement sur la base de données administratives.
  • Deuxièmement, le taux de non-scolarisation dans le primaire a diminué plus rapidement qu’on ne le pensait antérieurement, même si cette évolution à la baisse se ralentit.
  • Troisièmement, les nouvelles informations rendent plus exactement compte de la contribution au chiffre total des effectifs non scolarisés dans le monde de certains pays, comme le Nigéria et l’Éthiopie (mentionnés précédemment), dont les données administratives sont, au mieux, incomplètes.

Toutefois, si le modèle nous permet de mieux comprendre la situation passée, il ne prend pas pleinement en compte les répercussions récentes de la pandémie de COVID-19, qui a non seulement perturbé la fréquentation scolaire, mais aussi les systèmes d’information pour la gestion de l’éducation dans le monde entier.

Le modèle intègre les données administratives relatives à l’année scolaire 2021, ce qui ne suffit pas pour déterminer si la pandémie de COVID-19 a modifié durablement les tendances. Selon les premières indications, il est possible que la pandémie n’ait pas eu de répercussions sur les inscriptions dans le primaire et dans le premier cycle du secondaire, mais elle pourrait avoir eu des effets sur les inscriptions dans le deuxième cycle du secondaire.

Les données de l’Institut de statistique de l’UNESCO qui seront publiées le 13 septembre fourniront de nouvelles indications sur l’évolution d’une année sur l’autre des taux d’inscription par pays et par niveau d’éducation.

Sans pour autant nier les limitations des méthodes statistiques en cas d’événement source d’incertitude considérable, comme la récente pandémie, il est important de reconnaître la contribution notable de cette nouvelle approche.

Cette approche est conforme à celle qui est déjà employée pour calculer les taux d’achèvement des études, qui figurent également sur le site VIEW. Les principaux indicateurs de santé sont estimés depuis plus de 15 ans par des méthodes analogues, qui font aussi appel à des données administratives et d’enquête.

L’établissement d’autres indicateurs, par exemple pour les équipements scolaires ou la formation des enseignants, bénéficierait également de l’application d’une méthodologie robuste, comme celle-ci, qui permettrait d’utiliser des données provenant de sources administratives ainsi que d’enquêtes auprès des ménages ou des établissements scolaires.

Le recours à de multiples sources de données peut accroître la fiabilité des tendances établies à l’échelle régionale et mondiale et, ainsi, permettre de mieux suivre les avancées réalisées en direction de l’ODD 4.

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